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venerdì 1 gennaio 2016

Migrants : la France va ouvrir un camp humanitaire à Grande-Synthe

Le Monde
Quand le soleil s’efface, le froid humide venu de la Manche envahit la ville côtière de Grande-Synthe (Nord), en périphérie de Dunkerque. Dans le camp de migrants, à deux pas du centre, il prend ses aises. Les 2 500 ou 3 000 réfugiés du lieu, majoritairement kurdes, savent que cet ennemi se glissera avant eux sous les couvertures de leur maison de toile. 

Aux portes de Dunkerque, à 30 kilomètres de la jungle de Calais,
ils s'entassent dans la boue et le froid, l’humidité et le vent.
Mais le geste fataliste d’Ali rappelle qu’il en a vu d’autres depuis qu’il a quitté son Kurdistan natal. D’ailleurs, l’Irakien se plaint à peine. Il est là en transit, impatient de rejoindre la Grande-Bretagne. Et s’il n’y est pas fin janvier, en dépit de son « passage garanti », des 40 000 euros payés pour lui, ses enfants et son épouse, il rejoindra ce nouveau camp dont on parle déjà tant. « Il y aura des douches, de l’eau et des tentes chauffées », répète, incrédule, cet ex-traducteur du Royal Air Force College en Irak.

Un vrai camp de réfugiés devrait en effet être ouvert en janvier par la municipalité de Grande-Synthe et Médecins sans frontières (MSF). Un camp aux normes du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) pouvant accueillir plus de 2 500 migrants, une première en France.

Mais cela paraît bien loin à Ali qui espère juste, ce soir-là, une livraison de bois. Le feu est un des fondamentaux de la route de l’exil. Chaque soir « ce camp de la honte », comme l’a baptisé le maire (EELV) de la ville, Damien Carême, a pour obsession le bois de chauffage. Quelques scies sorties de nulle part attaquent les arbres. Parfois, une camionnette providentielle débarque, bourrée de sacs de combustible. C’est la bousculade garantie. Pire que pour la nourriture. Les enfants crient. Les femmes tendent désespérément les bras. La nuit se gagne là.

A Grande-Synthe, près de 3 000 migrants, essentiellement kurdes,
vivent les pieds dans l'eau non loin du centre-ville.
«Une décharge à ciel ouvert»
Devant les petites tentes, des feux s’allument un à un. On se chauffe les mains, les pieds. On pose une bouilloire ou une poêle noircie. Grande-Synthe est un camp misérable. Un espace boisé, destiné à construire un écoquartier, où s’entassent plus d’un millier d’abris de tissu ; où jouent plus d’une centaine d’enfants, les pieds dans l’eau, faute de bottes. « Ce n’est pas un camp, mais une décharge à ciel ouvert, observe Delphine Visentin, la responsable de MSF. Nous tentons d’en améliorer le fonctionnement mais cela reste une zone de transit inorganisée. »

Les « French Doctors » ont pourtant mis en place un point pour les distributions des associations ; un espace santé cogéré avec Médecins du monde. Hormis cela et les douches qu’il faut reprendre aux passeurs – qui les faisaient payer –, c’est un champ de boue où sont plantées des tentes basses, sans la bâche qui à Calais sert de seconde peau. Sans les baraques en bois, plus chaudes. Ici les gendarmes ne laissent pas passer de matériaux de construction, ni même, certains jours, les sacs de couchage.

« Grande-Synthe, c’est Calais en pire », résume Jean-François Corty, de Médecins du monde, choqué par la présence de bébés, de femmes enceintes dans la gadoue. Le maire, président du Réseau des élus hospitaliers du Nord-Pas-de-Calais, a pourtant fait ce qu’il pouvait, installé des sanitaires, les bennes à déchets. Il est aujourd’hui dépassé. Et inquiet. « On n’est pas à l’abri d’une hypothermie », prévient la responsable MSF ; « ni d’un suicide », ajoute Hafsa Sabr, une jeune bénévole présente tous les jours depuis l’été ; déjà témoins du geste désespéré d’une maman seule avec plusieurs enfants, et d’un adolescent.

En dépit de ses quelques milliers de migrants, Grande-Synthe est une oubliée. La médiatique Calais a capté toute l’attention, avec sa maire qui en appelle régulièrement à l’armée, quand, à Grande-Synthe, l’élu gérait. « Ici, on accueille des migrants depuis 2006, observe M. Carême, jusqu’à cet été, ils étaient 80. Mais depuis leur nombre a été multiplié par 30 et c’est devenu une ville dans la ville. » Une cité d’ingénieurs, d’enseignants, d’artisans, « encampés » au milieu des 22 000 habitants dont 33 % vivent sous le seuil de pauvreté.

La balle est dans le camp du préfet
Le ministère de l’intérieur a longtemps fait la sourde oreille aux appels de Damien Carême. Le 30 septembre 2015, Bernard Cazeneuve lui avait promis son aide. « Trois mois plus tard, je n’ai rien vu ; à part des forces de l’ordre », regrette M. Carême. Excédé, il a convoqué une conférence de presse avec Médecins sans frontières pour le 23 décembre. La décision qu’il fallait pour obtenir un rendez-vous avec le ministre de l’intérieur, puisqu’il a été reçu le même jour par M. Cazeneuve.

Damien Carême est un maire de gauche. Hier PS, aujourd’hui EELV. Avec MSF, il a conçu un vrai camp qui, pour 1,5 million d’euros – remboursés par l’Etat –, logera tous ses migrants. Les plans sont faits, les entreprises dans les starting-blocks, les équipes de MSF sur le pont. La balle est dans le camp du préfet, qui doit donner son accord pour le lieu choisi par la municipalité.

Bien qu’alambiqué, le communiqué commun de MM. Cazeneuve et Carême promet que cela va venir. Il prend l’engagement « de renforcer les expertises en cours pour mettre en œuvre une solution très rapide qui apportera une réponse humanitaire aux besoins élémentaires des migrants, et notamment des populations vulnérables présentes sur le site, qui doivent pouvoir bénéficierd’une mise à l’abri ». Le déménagement y est aussi acté puisque « les caractéristiques marécageuses du camp actuel ne peuvent offrir de solution satisfaisante en ce sens ». Reste qu’il s’est déjà écoulé une semaine sans réponse de la préfecture et que les acteurs tiennent à un déménagement en janvier.

S’il est bien conçu pour « loger tout le monde », c’est-à-dire 2 500 à 3 000 personnes, comme le veulent la Ville et les associations, ce camp sera une première en France. « Pensé par nos logisticiens, il respectera les standards humanitaires internationaux. Les sanitaires y seront en nombre suffisant et les migrants y dormiront sous des tentes chauffées l’hiver », rappelle Mme Visentin. Les associations seront installées juste à côté, dans des bâtiments en dur. Tout ce que le gouvernement s’est refusé à mettre en place à Calais en créant un camp de jour. Ces avancées ne signifient pourtant pas que le bras de fer entre les associations et le gouvernement est terminé. Tout se négociera, du nombre de places au degré de surveillance policière.

En attendant, la vie continue dans la boue. Souma et Akram, les enfants d’Ali, ont tous deux le nez qui coule. Lundi, la consultation de MSF n’a pas désempli, apportant soins du corps et pansements à l’âme. Hafsa Sabr a, comme souvent, installé une femme fragile pour quelques jours dans l’hôtel voisin. Demain, elle courra les magasins en quête d’un hélicoptère téléguidé. Car Grande-Synthe aussi fêtera le passage en 2016 et quelques-uns des oubliés de Noël auront leur seconde chance.

Par Maryline Baumard

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